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Comment la France est-elle devenue laïque ? - Cycle 3

À partir d’un corpus de documents conservés aux Archives départementales de la Gironde et aux Archives nationales, les élèves découvrent l’histoire de la laïcité française et les changements qu’apportent au quotidien les mesures liées à la laïcisation de la société.

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Objectifs :

  • Étudier des documents d’archives pour comprendre comment la République est devenue laïque.
  • Appréhender quelques changements perceptibles par les élèves qu’ont entrainés les mesures de laïcisation de notre société.
  • S’initier au travail de l’historien en étudiant des documents sources.
  • Découvrir des documents originaux de différentes époques et de différentes natures.

Les supports de travail

  • Des documents d’archives numérisés issus des fonds des Archives départementales de la Gironde et des Archives nationales : registres paroissiaux et registres d’état civil, des articles de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, un extrait de la loi de 1905.
  • Des documents d’accompagnement à destination des élèves et de leur enseignant(e) créés par le service pédagogique des Archives départementales.

Retrouvez ici les liens avec les programmes et le socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

 

Prérequis :

  • Les élèves connaissent la devise de la République française et ont cherché une définition simple du mot laïcité. (La laïcité implique la neutralité de l'État et impose l'égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction. La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d'expression de leurs croyances ou convictions.)
  • Ils sont en mesure de comprendre le contexte historique en ayant abordé le thème 3 des programmes d’histoire de cm1 : le temps de la Révolution et de l’Empire.

 

Les documents nécessaires à la réalisation de cet atelier sont disponibles ici :

Les livrets de l'enseignant et de l'élève sont disponibles en format PDF mais nous vous proposons également un accès direct à la séquence ci-dessous.


Séquence pédagogique - Partie 1 : la déclaration des droits de l'homme et du citoyen

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Extrait de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Le premier acte de la laïcisation de la société se jouera pendant la Révolution française qui marquera une réelle rupture dans la pratique d’un pouvoir qui se confondait avec le religieux depuis le baptême de Clovis en 498. Pour que les élèves puissent pleinement l’appréhender, il nous semble opportun de mobiliser les connaissances acquises précédemment en les questionnant sur la place de l’Église sous l’Ancien Régime.

   

 

 

 

 

 

La France de l’Ancien Régime

Quelques éléments à faire émerger :

  • Monarchie de droit divin qui débute sous Charlemagne : le roi est l’intermédiaire entre dieu et les hommes.
  • Le peuple est sujet du roi.
  • Le catholicisme est la religion du roi (la religion d’État).
  • Absence de liberté de conscience individuelle.

Durant les périodes de chaos (invasions barbares et chute de l’Empire romain d’occident) ou de vacance du pouvoir central (mort de Charlemagne qui entraîne l’éclatement du pouvoir de l’État et le regroupement de la population autour des seigneurs locaux), l’Église a été amenée à assumer, en plus de sa mission propre, des missions économiques, politiques et culturelles qui n’étaient pas directement de son ressort. Durant la période féodale, elle sera la seule force organisée en place. Le pouvoir spirituel deviendra dès lors plus important que le pouvoir temporel.

 

Document 1 : Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789

Nous ne retiendrons que les articles en lien avec la laïcité.

Les élèves vont à présent lire six articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en s’interrogeant sur les liens qui existent entre ces articles et la définition de la laïcité qu’ils connaissent. Leur lecture et leur explication par l’enseignant(e) doivent mener les élèves à comprendre que la déclaration des droits de l’homme et du citoyen pose les bases de la laïcisation de la France :

En ne reconnaissant que le pouvoir de la Nation, c’est-à-dire du peuple (art.3), elle prévient notamment de toute ingérence religieuse dans la conduite des affaires de l’État.

En rappelant que la loi seule définit le cadre de la liberté de chacun et détermine ce qui est nuisible pour la société (art.4), elle pose la loi de la Nation comme unique référent légal. Aucun dogme religieux ne peut dès lors venir entraver une liberté définie comme telle par la loi ou imposer une pratique que la loi n’ordonne pas (art. 5).

En proclamant la liberté religieuse (art.10), elle offre à chaque citoyen la liberté de conscience. Le texte pose la religion comme une « opinion », pour laquelle on ne saurait être inquiété. Ce faisant, il entend mettre un terme aux injustices subies par les Protestants et les Juifs sous l’Ancien Régime (conversions forcées, expulsions, dragonnades, massacres…). Rappelons que lors de son sacre, le roi s’engageait à expulser les hérétiques de son royaume et que les non-chrétiens ne faisaient pas partie de la société française.

En outre, l’opinion religieuse, au même titre que toutes les autres, peut être exprimée librement, dans les limites du respect de l’ordre public (art. 11).

En posant comme premier principe l’égalité entre tous les citoyens (art.1), le texte instaure l’égalité entre les hommes et les femmes et interdit de fait toute discrimination. Il prévient également toute forme de prévalence d’une religion, de toute hiérarchisation des citoyens en fonction de leur croyance. Aucun citoyen ne peut prétendre à un statut supérieur du fait de sa religion, fût-elle majoritaire.

Même si le terme de laïcité n’est jamais mentionné, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen instaure une séparation entre le politique et le religieux. Ce faisant, elle pose les premiers jalons d’une laïcité qui protège d’une part la Nation, en garantissant l’indépendance et la souveraineté du peuple (art. 3, 4 et 5) et d’autre part le citoyen, en consacrant ses libertés (art. 1, 10 et 11).


Séquence pédagogique - Partie 2 : la naissance de l'état civil

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Extrait du registre des naissances de la paroisse Saint-Michel de Bordeaux.

Document 2 : extrait du registre paroissial puis d'état civil, paroisse Saint-Michel de Bordeaux, du 10 au 13 novembre 1792

Extrait 1

Les élèves rencontrent ici une archive qui atteste de la transition entre l’Ancien Régime et la République.

Le premier extrait témoigne de la tenue du registre paroissial (appelé aussi registre de catholicité). Il est tenu par le curé de la paroisse. Baptêmes, mariages et sépultures doivent être inscrits chronologiquement dans un même registre tenu en double exemplaire. Les actes sont signés sur la minute par la marraine et le parrain lors du baptême, les époux et les quatre témoins, lors du mariage, deux parents ou amis lors d’un enterrement.

Par l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, obligation était faite aux curés de tenir le registre des baptêmes. L’ordonnance de Blois de 1579 leur impose l’enregistrement des mariages et décès.  L’ordonnance de Saint-Germain-en-Laye de 1667 rendra obligatoire la tenue des registres en double exemplaire.

Extrait 2 et extrait 3

En application de la loi du 20 septembre 1792 (Art. 1er. - Les municipalités recevront et conserveront à l'avenir les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès.),la tenue officielle des registres est retirée aux curés et remise aux maires dans le cadre de l’état civil. L’officier municipal remplace le curé dans l’enregistrement des actes.

Ce transfert de compétences peut sembler anecdotique aux élèves alors qu’il est essentiel.

L’Église est ici dépossédée du rôle majeur qu’elle jouait depuis le haut Moyen Âge en tant qu’interlocuteur unique à l’occasion de tous les moments importants de la vie, la naissance, le mariage, le décès. Elle se voit ici privée de la mission d’organisatrice de la vie sociale qu’elle occupait jusqu’alors.

 

Afin de guider et d’aider les élèves dans leur lecture, nous vous proposons de mettre à leur disposition un tableau et son corrigé : les élèves vont être amenés à comparer les deux actes en relevant leurs différences et points communs.


Séquence pédagogique - Partie 3 : le Concordat

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Extrait de lettre du président de la chambre de commerce de Bordeaux.

Le XIXe siècle est marqué par une grande instabilité politique, plusieurs régimes se succèdent :

  • 2 empires,
  • 3 monarchies,
  • 2 républiques,
  • 3 révolutions.

Jusqu’à la loi de 1905, c’est le Concordat (accord fixant les relations entre l’État français et le Saint-Siège signé en 1801) qui redéfinira le rapport entre le pouvoir politique et religieux. L’Église catholique ne retrouve pas son statut d’Église officielle d’avant la Révolution (à l’exception de la parenthèse de la Restauration), mais est reconnue comme « la religion de la majorité des Français ». L’État finance et encadre les cultes par le biais des établissements publics du culte. Durant tout le XIXe siècle, la séparation entre l’Église et l’État (pourtant proclamée sous le Directoire) est très loin d’être effective.

Document 3 : lettre adressée aux évêques par Anselme Batbie, ministre de l’instruction publique et des cultes

Là encore, il nous semble pertinent de confronter ce texte, qui instaure les prières publiques, à la définition de la laïcité connue des élèves. On leur fera noter le paradoxe dont atteste cette archive :

Alors que la laïcité renvoie d’abord à une progressive perte d’emprise de la religion sur la société, à la transformation souvent conflictuelle des rapports entre l’Église et l’État, ainsi qu’à la neutralité de l’État vis-à-vis des églises, ce sont ici les députés de la République qui en appellent à l’autorité religieuse catholique, pour que cette dernière apporte, par la prière, « son secours sur les travaux de l’Assemblée ».

Document 4 : liste des fonctionnaires à convoquer pour les cérémonies religieuses et document 5 : lettre datée de Lucien Faure, président de la Chambre de Commerce de Bordeaux

L’écriture facilement déchiffrable de ces deux archives permettra aux élèves de se lancer dans une lecture autonome des documents. Il leur sera relativement aisé de comprendre qu’aucun fonctionnaire important n’échappait à l’obligation d’assister aux cérémonies religieuses (doc. 4) et que nombre de ces fonctionnaires se faisaient un devoir d’y être présents (doc. 5).

 

Par l’étude des documents 3, 4 et 5, les élèves sont amenés à comprendre que la laïcité n’a pas été établie d’une façon linéaire, que l’empreinte laissée dans les esprits par des siècles de chrétienté n’a pas été effacée par la Révolution française et que les revirements politiques qui ont jalonné le XIXe siècle ont été propices au rétablissement du lien entre politique et religion. En outre, il nous semblait que comprendre la laïcité, c’est aussi se construire une représentation de ce qu’elle n’est pas.


Séquence pédagogique - Partie 4 : la IIIe République (1870-1940)

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Extrait de l'hebdomadaire Le Don Quichotte.

Elle marque une volonté d’imposer des mesures radicales concernant la laïcisation de la société :

  • 1880 suppression de l’obligation du repos dominical
  • 1884 suppression du caractère confessionnel des cimetières
  • 1884 légalisation du divorce
  • 1887 les obsèques civiles sont facilitées
  • 1887 laïcisation du personnel des hôpitaux

Mais c’est surtout l’adoption des grandes lois scolaires qui marque l’avènement de la laïcité telle que nous la connaissons.

 

La laïcisation progressive de l’école

Le système éducatif français fera l’objet d’une réforme profonde durant les année 1880. Les lois Ferry qui instaurent une école laïque procèdent d’une dynamique à l’œuvre depuis 1830 et s’inscrivent dans le contexte de laïcisation de la société orchestrée par les républicains.

Nous nous proposons ici de présenter aux élèves la chronologie des lois scolaires votées au cours du XIXe siècle afin qu’ils relèvent les éléments qui leur semblent renforcer la laïcité.

Document 6 : les grandes lois scolaires

Parmi les points à repérer :

  • La création des écoles normales qui confie l’instruction à des personnels non religieux
  • La généralisation de la scolarisation des filles
  • La fin des prières en classe
  • Le remplacement de l’instruction religieuse par l’instruction morale et civique
  • L’interdiction faite aux religieux de toutes confessions d’enseigner dans les écoles publiques

La scolarisation des filles n’est spontanément pas relevée par les élèves comme un élément attestant d’une laïcisation de la société et il n’est pas aisé de le leur faire comprendre.

Pourtant, comme le rappelle Michelle Perrot (professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris-Diderot) : « Les femmes sont en effet un enjeu symbolique, un enjeu de pouvoir. Dès qu’il y a une crispation religieuse ou identitaire, cela passe très généralement par leur corps, par la manière dont on les représente et dont on veut qu’elles soient habillées. Aussi, que la laïcité concerne d’abord les femmes n’a rien d’étonnant. Derrière cela se posent des problèmes fondamentaux et historiquement anciens. Dès le début, l’idée de l’école laïque a été d’arracher les jeunes femmes à l’Église alors que cette dernière revendiquait l’enseignement des filles comme lui appartenant. Il y a un siècle, les femmes étaient ainsi déjà un enjeu du point de vue de la religion. »

Extrait de l’interview donnée à Valeurs mutualistes – n°231 – mai 2004

On pourra expliquer plus simplement à nos élèves que pour les républicains, il était vital pour la démocratie de généraliser l’instruction des filles pour les soustraire à l’influence de l’Église. Comme en témoigne cet extrait du discours de Jules Ferry du 10 avril 1870 :

« Les évêques le savent bien, celui qui tient la femme, celui-là tient tout. D’abord parce qu’il tient l’enfant, ensuite parce qu’il tient le mari. C’est pour cela que l’Église retient la femme, c’est aussi pour cela qu’il faut que la démocratie la lui enlève ; il faut que la démocratie choisisse sous peine de mort. Il faut que la femme appartienne à la science ou qu’elle appartienne à l’Église. »

Document 7 : couverture de l'hebdomadaire Le Don Quichotte

Ce document illustre la marche vers la laïcité de l’enseignement primaire, engagée dès le début de la IIIe République. Les élèves y reconnaîtront Marianne (coiffée de son bonnet phrygien des révolutionnaires et armée de son balai) chassant des établissements scolaires les curés et religieuses, ici caricaturés en corbeaux. Ils noteront également le terme congréganiste (découvert dans le doc. 6) rayé du fronton de l’école au profit du mot laïque et pourront associer cette archive à la chronologie des lois scolaires précédemment étudiée.

 

La loi de 1905

Considérée aujourd’hui encore comme le pilier de la laïcité française, la loi de 1905 met fin au Concordat et instaure « la séparation des Églises et de l’État ». Plus aucun culte n’est reconnu, et encore moins subventionné. Le budget des cultes est supprimé, à l’exception de celui des aumôneries. La loi n’exclut pas la présence des religions dans la société, elle rompt simplement tout lien juridique ou financier entre la puissance publique et les cultes.

Document 8 : extrait de la loi de séparation des Églises et de l'État

Afin de guider et d’aider les élèves dans leur lecture, nous vous proposons de mettre à leur disposition un questionnaire.

Les élèves retrouvent ici les expressions « liberté de conscience » et « libre exercice des cultes » qui leur sont désormais familières. Ils peuvent dès lors en déduire que cette loi s’inscrit dans la continuité de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen dont elle reprend les principes de tolérance.

En premier lieu, la loi du 9 décembre 1905 proclame la liberté de conscience, garantissant ainsi la liberté religieuse, la liberté d’exercice du culte et la non-discrimination entre les religions.

En second lieu, elle pose le principe de la séparation des Églises et de l’État. Le cœur de la loi se trouvant dans la première phrase de l’article 2 : « La République ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Jusqu’alors, l’État reconnaissait quatre religions (catholique, réformée, luthérienne, israélite) organisées en service public du culte. L’État désignait et payait les ministres de ces cultes et allouait un budget à chacun d’eux.

Les élèves auront noté que cette loi revient de manière très stricte à la séparation entre le politique et le religieux que les révolutionnaires appelaient de leurs vœux dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Elle est la transcription dans la loi de ce qui n’était resté qu’une volonté après la révolution.


Institutionnalisation

Nous vous proposons ici une trace écrite possible de cette séquence.

La laïcité est un mode d’organisation de la société hérité de la Révolution française. La déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 est à l’origine de la laïcité. Ce texte a instauré des lois qui protègent à la fois la Nation (en permettant au peuple de gouverner sans subir l’influence des religions) et le citoyen en garantissant ses libertés.

Au XIXe siècle la laïcité a été remise en cause par le Concordat jusqu’à l’avènement de la IIIe République en 1870. Cette dernière a engagé une radicale laïcisation de la société dont les mesures principales sont les lois scolaires. Ainsi, l’école est devenue gratuite en 1881, laïque et obligatoire pour tous (filles et garçons) en 1882 (lois Jules Ferry).

La loi de 1905 a marqué une séparation définitive entre les Églises et l’État tout en garantissant pour chaque citoyen la liberté de croire ou de ne pas croire à une religion. Cette loi est toujours en vigueur aujourd’hui.

 

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