Jeanne Daste

AD Gironde, 1774 W 5

Mlle Daste 8 juin 1915 N° 785

Mon cher ami [(M. Coville)],
Avant de recevoir votre lettre [au sujet] de Melle Daste, j’avais déjà été prévenu par l’autorité militaire, des propos tenus par cette jeune femme dans une réunion socialiste. L’autorité militaire avait été renseignée par la même personne que l’autorité préfectorale car les propos sont rapportés exactement de la même façon. M. le Général m’annonçait en même temps qu’en cas de récidive il emploierait un moyen radical, qui est, si je comprends bien, l’emprisonnement. J’avais convoqué Melle Daste et elle m’a donné des explications [qui..sur ma…] elle a confirmées par écrit. Je la croit absolument sincère. Evidemment le policier n’a pas compris ou a fait du zèle, pour gagner son argent. Sur le 1er point, elle a ditdes choses innocentes. Sur le 2e point, elle a surtout manqué de tact. Je dois ajouter que, à peu près à la même date, elle avait fait une conférence publique cette foir, sous le patronage socialiste à ma prière, Mme [Rodin] du lycée avait envoyé à cette conférence une personne de confiance qui n’a rien trouvé à reprendre.
Melle Daste est une jeune femme qui, par son enseignement et par les conversations que j’ai eues avec elle, me fait l’effet d’être remarquablement intelligente. Mais cette jeune fille de 25 ans n’a aucune pudeur féminine (ce sont ses propres expressions en parlant d’elle-même) devant aucune question. Je la crois pas dangereuse dans l’enseignement des jeunes filles. Car, les élèves, comme les policiers, ajoutent à ce qui a été réellement dit. Elle-même est d’ailleurs assez intelligente pour saisir cette incompatibilité de ses fonctions et de son tour d’esprit. Cela simplifiera les décisions à prendre à son sujet. Mais qu’il sera difficile de pourvoir à ce poste !
Agréez mes amitiés
M. Chamin

Pacifisme - Collège Marcellin Berthelot