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Travaux de la place Pey-Berland, v. 1865 (AD Gironde, 162 T 8)

La photographie comme représentation du pouvoir

Lorsque Terpereau arrive à Bordeaux en 1865, les services municipaux sont en pleine restructuration. Le personnel s’accroît, les services se diversifient, les ingénieurs occupent les postes clefs. Louis Lancelin, ingénieur formé à l’École polytechnique puis à l’École des Ponts et Chaussées, est nommé directeur des travaux de la ville. Il réalise toutes les grandes transformations urbaines de la deuxième moitié du XIXe siècle. 
Lancelin va utiliser de manière systématique la photographie. Il crée le portefeuille du service des travaux publics où sont stockées les images de ses réalisations. Il distribue une partie de cette iconographie aux politiques, aux financiers et aux entrepreneurs. Il organise des expositions pour révéler cette imagerie au public et à la presse. La photographie lui permet de valoriser l’action de la mairie et de démontrer le savoir-faire de ses services.

Terpereau est le principal artisan de cette imagerie. Il arpente les toits de la ville afin de trouver des points de vue originaux. Tout en privilégiant les vues frontales, il intègre le paysage urbain et le met en scène dans des compositions dynamiques. Ses cadrages sont justifiés par des effets de symétrie. Il crée des hors-champ par l’utilisation de coupes et comprime la profondeur en juxtaposant différents plans.

La voie du Peugue

 Le 25 août 1860, une commission remet au conseil municipal un rapport sur la création d’une rue monumentale reliant la cathédrale aux quais : l’actuel cours Alsace-et-Lorraine. Cette rue appelée dans un premier temps voie du Peugue remplace une série de ruelles étroites et sinueuses : celles du Peugue, des Trois-Canards, du Mû, et la rue Poitevine.

Le rapport inclut la rénovation d’un des principaux collecteurs de la ville. Ce projet, voulu par de nombreux propriétaires, est cependant bien plus qu’un élargissement de voie. Il va profondément transformer les quartiers qu’il traverse, jugés « populeux », « infects » et « insalubres » par le conseil municipal. Il instaure un autre mode de vie au sein de magnifiques immeubles de rapport. 
En 1865, Lancelin commande à Terpereau des vues des vieilles ruelles avant leur destruction. Il montre ces images lors d’une exposition où elles sont commentées par la presse qui dans une lecture, très connotée, décrit des ruelles « pittoresques », « tristes » et « délabrées ». Terpereau va cependant outrepasser la commande. En photographiant les maisons à pans de bois, il amène le regard vers de précieux éléments du patrimoine urbain. Il photographie les rues en enfilade, soit au niveau du sol en légère contre-plongée, soit depuis un balcon afin de réduire les déformations optiques. Les vues de la voie du Peugue, demandées par Lancelin, sont payées 3 francs-or l’unité.

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La place Pey-Berland

 Parallèlement au percement de la voie du Peugue, futur cours Alsace-et-Lorraine, le conseil municipal décide de dégager la cathédrale Saint- André des rues qui l’enserrent afin de faciliter la circulation. L’ancien doyenné est détruit en 1864, le cloître gothique est démonté en 1865, les rues Victor, Saint-André et Sainte-Hélène disparaissent vers 1868. La place prend alors sa forme rectangulaire actuelle.

Terpereau photographie la rue Sainte-Hélène et le cloître avant leur destruction. Pour la cathédrale, il ajoute aux vues d’ensemble des détails tels que les sculptures des contreforts et le cloître après son dégagement. Il restitue ainsi l’intégrité de l’édifice avant son isolement

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Le Palais Gallien

En 1865, le maire présente au conseil municipal un rapport sur l’isolement du Palais Gallien. Lorsqu’il arrive à Bordeaux en 1865, Terpereau réalise la couverture photographique des monuments historiques de la ville. 

Il fait deux vues du Palais Gallien auxquelles il ajoute la reproduction d’une aquarelle datée du XVIIIe siècle. Pour réaliser ces photographies, Terpereau se place face au monument avec un certain recul qui lui permet d’atténuer les déformations optiques. Ces images, par leur frontalité et leur précision, prennent ainsi l’apparence d’un document scientifique.

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La flèche Saint-Michel

 En 1860, commencent les travaux de restauration de la tour Saint-Michel. Ce projet, voulu par le conseil de fabrique et soutenu financièrement par le conseil municipal, consiste à reconstruire la flèche détruite par une tempête au XVIIIe siècle.

Les travaux sont confiés à l’architecte diocésain Paul Abadie qui conçoit une nouvelle flèche de style gothique en prenant comme modèle d’anciennes gravures de la tour. Pendant plusieurs années, l’édifice est recouvert d’un immense échafaudage. Celui-ci prend, pour le service des travaux publics, une valeur métaphorique. Il représente le pouvoir et la puissance du conseil municipal. La photographie de cette structure permet alors de diffuser une certaine idée de l’action municipale. Dans une lettre datée du 9 novembre 1865, Lancelin demande à Terpereau de photographier la partie haute de la tour avec l’échafaudage.


Les épreuves sont ensuite déposées dans le portefeuille du service des travaux publics, à la Bibliothèque et aux Archives municipales de Bordeaux ainsi qu’à la commission départementale des monuments historiques. Le service des travaux publics produit ainsi les éléments de sa propre histoire. Les Archives municipales de Bordeaux conservent un devis de Terpereau daté de 1865 concernant l’échafaudage de la flèche. 

Ce devis révèle l’achat de 30 photographies payées 90 francs-or au total. Un deuxième devis daté de 1866, ajoute à ces 30 premières photographies 10 autres, montrant ainsi l’importance que le conseil municipal accorde à ces images et à leur diffusion.

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